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Le lien d’attachement

J’ai longuement hésité avant de choisir le sujet pour le premier article que je souhaitais vous partager. J’avais envie d’aborder de nombreux sujets avec vous, et le choix était difficile. Mais, en laissant mes doigts glisser sur le clavier, j’ai ressenti l’envie très forte d’aborder un sujet auquel je n’avais pas pensé, et qui, pourtant, est tellement important à mes yeux. Ce sujet, qui me préoccupe, me questionne, me guide depuis des années, et que j’ai étudié lors de mon mémoire de fin d’étude : le lien d’attachement.

Qu’est ce que l’attachement ?


La théorie de l’attachement est élaborée en 1958, par John Bowlby, psychiatre et psychanalyste anglais.

Cette théorie consiste à dire que “l’enfant a besoin, pour se développer harmonieusement, d’avoir des liens affectueux avec au moins une personne qui prend soin de lui de façon cohérente et durable, qui le protège”. Pour J.Bowlby, le besoin d’attachement se situe au même niveau que les besoins physiologiques pour l’enfant.

Dans ses travaux, J.Bowlby, définit l’attachement comme « Le lien affectif et social développé par une personne envers quelqu’un d’autre qui se développe à partir de la répétition des expériences de satisfaction ».

Pour illustrer au mieux l’activation du système d’attachement d’un bébé, J.Bowlby le comparait au fonctionnement d’une chaudière. Si la température de celle-ci descend en dessous d’un certain niveau, la chaudière s’enclenche. Au contraire, si la celle-ci remonte au-dessus du seuil, la chaudière s’interrompt. Dans le cas du bébé, c’est la proximité avec la figure d’attachement qui va « éteindre » le système, tels ce père qui prend son enfant dans les bras pour le tranquilliser, cette maman qui adresse des mots rassurants à son bébé, ou encore cette professionnelle de crèche qui s’applique à croiser le regard de l’enfant inquiet. L’objectif étant atteint, le système d’attachement se « désactive ». Le bébé redevient calme et détendu, la proximité du caregiver étant associée à un sentiment de sécurité.

En effet, selon J.Bowlby « l’attachement constitue un lien émotionnel important, un lien affectif entre deux personnes. L’enfant ou l’adulte attaché à une personne se sert de celle-ci comme d’un lieu de sécurité à partir duquel il explore l’environnement et vers lequel il se tourne pour se réconforter en cas de stress ou de peine ».

C’est pourquoi il est primordial pour l’enfant de pouvoir s’attacher de manière sécurisante et rassurante, afin de prendre confiance en lui et le monde qui l’entoure, pour ainsi devenir autonome.

Comment ce lien se crée t’il ?

Alors que l’on pense souvent le contraire, la création du lien d’attachement entre un bébé et sa mère n’est pas automatique. Ce lien se construit très progressivement, au cours des neuf premiers mois de la vie de l’enfant.

Selon 
M.Ainsworth, M.Blehar, E.Waters et S.Wall (1978), le développement de l’attachement se fait en quatre étapes :

  • De 0 à 3 mois, la phase de pré-attachement : le bébé va activer ses comportements d’attachement (les pleurs) auprès de tous les êtres humains. Il n’a pas encore de figure d’attachement principale.
  • De 3 à 6 mois, l’émergence de l’attachement : les comportements d’attachement qui se sont diversifiés avec le développement de l’enfant s’orientent progressivement vers une personne en particulier : celle qui s’occupe le plus de lui.
  • À partir de 6-9 mois, et ce jusqu’à trois ans, l’enfant établit sa fameuse « base de sécurité ». C’est vers cette personne « ressource » que l’enfant se dirigera spontanément lorsqu’il en ressentira le besoin. Il s’agit de la figure d’attachement principale.
  • Après 3 ans : des attachements multiples se mettent en place et l’enfant a pu acquérir le sentiment de sécurité nécessaire pour explorer le monde en s’éloignant de sa figure d’attachement principale.

Voici des exemples de comportements d’attachement possibles :

  • Les pleurs
  • Le comportement d’agrippement
  • Des cris ou l’appel par le prénom ou le mot maman généralement
  • Les sourires

Par le biais de ces comportements d’attachement, l’enfant émet un signal qui indique qu’il a besoin qu’on prenne soin de lui. Ces comportements d’attachement favorisent alors une proximité entre la figure d’attachement principale et l’enfant.

La figure d’attachement :

La théorie de J.Bowlby démontre l’importance que l’enfant puisse créer une relation continue avec un nombre restreint d’adultes de référence. Il nomme ces adultes  « caregiver ». Il parle alors de « figure d’attachement principale, c’est-à-dire la personne vers qui l’enfant dirige son comportement d’attachement. Cette figure est donc choisie par l’enfant en fonction des réponses empathiques apportées à ses besoins. Généralement, il s’agit de la mère, mais il peut s’agir d’une toute autre personne significative pour l’enfant et qui peut répondre à ses besoins ».

L. Rameau, puéricultrice et formatrice, s’exprime sur cette notion. Elle explique que « Les personnes qui s’occupent du bébé dans les premiers mois de sa vie deviennent progressivement des figures d’attachement. (…) C’est la figure qui a répondu le plus souvent, le plus rapidement et le plus adéquatement en s’engageant dans des relations animées et chaleureuses, qui sera investie comme figure d’attachement principale. »

L’enfant peut avoir plusieurs autres figures d’attachement, que J.Bowlby nomme « figures d’attachement subsidiaires ».
Les assistants maternels, ou professionnels des établissements d’accueil du jeune enfant deviennent des figures d’attachement subsidiaires, puisqu’ils répondent aux besoins de l’enfant et ont des interactions répétées avec lui en l’absence des parents.
Toutefois, d’après L. Rameau, puéricultrice et formatrice, « Principale ou subsidiaire ne veulent pas dire que le bébé en aime une plus que l’autre ou que l’une est plus importante que l’autre. Cela signifie seulement que la figure qui donnera le plus de sentiment de sécurité au bébé est la figure d’attachement principale. »


La figure d’attachement représente une base de sécurité, un havre de paix, indispensables, pour que l’enfant puisse s’autoriser à explorer son environnement en toute sérénité. N.Guedeney, pédo-psychiatre et auteure, compare cette « base de sécurité » à un porte-avion « le bébé ou le jeune enfant est l’avion ; la base sécure c’est le pont du bateau d’où s’élancent les avions pour les missions de reconnaissance. Le même pont doit être toujours libre pour les avions en mission afin que ceux-ci puissent atterrir dès qu’ils le demandent (que cela soit en urgence ou pas) : le même pont s’appelle alors le havre de sécurité ».

J’entends souvent des parents se demander “pourquoi mon enfant est difficile avec moi, alors qu’il ne l’est pas à la crèche, à l’école, avec la nounou, avec les grands-parents” ? Et bien, cela est tout à fait normal, et même plutôt rassurant ! Alors je sais, quand on le vit, quand on vit ces tempêtes émotionnelles, le mot rassurant n’est pas le premier mot qui nous viendrait en tête. Mais si votre enfant est “plus difficile” avec vous, c’est tout simplement parce que vous êtes sa figure d’attachement, et que c’est avec vous qu’il se sent suffisamment en sécurité pour pouvoir exprimer ses émotions, ses pleurs, ses colères, ses joies…. Cela n’a rien à voir avec le fait que vous n’arriviez pas à “gérer” votre enfant.
L’enfant ne s’autorise à libérer ses émotions, à décharger les tensions qu’il a accumulées tout au long de la journée, que s’il est certain d’être en sécurité.


H.Junier, psychologue spécialisée dans la petite enfance et auteure, compare ce “comportement” à celui de l’adulte. Nous mêmes adultes, lorsque nous sommes saisis par une émotion très forte, auront tendance à ne pas la montrer devant des personnes avec qui nous n’avons pas crée d’attachement, mais nous l’extérioriserons dès que nous retrouverons notre conjoint(e), notre meilleur(e) ami(e), un parent, avec qui le lien d’attachement est très fort.

Comment enrichir ce lien ?

  • Répondre aux pleurs du bébé
  • Répondre aux besoins du bébé
  • Parler à son enfant, communiquer, exprimer vos émotions
  • Apporter de l’affection
  • Le portage
  • Le peau à peau
  • Les massages
  • L’allaitement
  • Le moment du biberon
  • Le moment du change, et du bain
  • Jouer avec l’enfant, lui raconter des histoires, danser, rigoler,
  • Vivre l‘instant présent, ressentir et laisser vivre vos émotions
  • Parler à un professionnel quand vous ressentez des difficultés, etc…

Références

  • BEE H.L., Le développement humain, Edition Renouveau pédagogique, 1986, p197
  • BOWLBY J., Attachement et perte, Volume 1 : L’attachement, PUF, 2006, p278
  • GUEDENEY N., L’attachement : un lien vital, Editions Fabert, 2010
  • GUEGUEN G., Pour une enfance heureuse, Editions Robert Laffont, Paris, 2014, p114
  • JUNIER H., L’attachement en 5 idées reçues, heloisejunier.com, 2017
  • MAZET P., Psychopathologie du nourrisson et du jeune enfant, Editions Masson, Paris, 1993, p62
  • RAMEAU L., Pratiques pédagogiques des crèches : À l’appui des recherches, Edition Philippe Duval, p53
  • LA MATRESCENCE, Podcast “Comprendre le comportement de son enfant” avec Héloïse Junier
  • LA MATRESCENCE, Podcast “Dr Catherine Gueguen et les neurosciences”

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